aquarelle de vagues
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Les styles à l’aquarelle, dans quel camp êtes vous ?

Temps de lecture : 6 minutes

Alors évidemment, à la fin de l’article, je vous dis qu’il n’y a pas vraiment de camp, que ce serait une ineptie, et que chaque artiste, qu’il imprime sa marque pérenne ou non dans ce monde magique (et cruel ?) de l’art, suit son chemin, en suivant un ou plusieurs courants, voire en en créant un lui-même. Ce serait bien idiot si dans la vraie vie, nous devions nous “affronter” comme des équipes de foot dans un manga de notre adolescence.

Mais avant, on s’amuse, on définit des camps et on se bat ! Hahahaaa (rire diabolique) !

Des styles d’aquarelle

Quels sont les camps auxquels j’ai pensé en premier ? Je vous les liste ici, on va voir si cela vous évoque les mêmes catégories à vous aussi ou non ou si vous pensez que j’en ai oublié (certainement en fait) puis je vous les décris.

A ma gauche, les “fondus du glacis”, à ma droite les “partisans du cycle de l’eau”, puis l’équipe des “grands voyageurs”, et le groupe des “illustrateurs”, j’ai aussi envie de jeter dans la bataille la “success team des instagramers”. Vous me suivez ? Vous êtes encore perplexes ? Allez, je vous les décrit :

  1. Les fondus du glacis sont en fait les photoréalistes. Ce sont les aquarellistes qui reproduisent le mieux la sensation du réel. Leur technique fait l’admiration du tout venant comme des amateurs éclairés. Je trouve que leurs meilleurs tableaux sont ceux dans lesquels ils passent un message ou une sensation forte. Si vous souhaitez gagner une bataille, dites leur : “wow, on dirait une photo”. Après 50 heures de travail sur 10cm carré, ils vont se rouler en boule en pleurant. Si vous voulez vous allier avec eux pour aller faire un combat contre un autre groupe, dites leur : “j’aime l’atmosphère qui se dégage de cette oeuvre” puis rendez-vous à la case 53 (huhuhu).
  2. Les partisans du cycle de l’eau. Ce sont les aquarellistes qui ont les livres de Jean-Louis Morelle (le “précurseur”) et/ou d’Ewa Karpinska (la “théoricienne”) ou consorts sur leur table de chevet (-> deux demi dieux de l’aquarelle forment-ils un dieu à deux ???). Je m’en voudrais de citer n’importe quel autre nom ici car les héritiers de ce courant sont aujourd’hui de grands aquarellistes français et loin de moi l’idée d’en froisser en citant celui (celle) ci et pas celui (celle) là. Bref. Ce sont les artistes qui travaillent le plus en “mouillé sur mouillé” puis qui, au fur et à mesure du séchage, tirent partie de chaque degré d’humidité du papier pour créer des effets différents. Ils réalisent souvent leurs oeuvres sur châssis ou en les fixant sur une planche (et souvent sur du Canson Montval et/ou souvent avec de l’aquarelle en tube). Pourquoi sur châssis ? Parce que leur style nécessite beaucoup d’eau et que l’eau fait gondoler le papier. Quand on le tend sur un châssis, il se re-tend en séchant. Cette technique a marqué l’histoire de l’aquarelle en France ces 20 dernières années, d’où ma qualification de “courant” ou “d’école”. Disons que c’est un peu pour moi le “next level” des aquarellistes “classiques”. Hooooouuuu….. mais c’est que je les aurais oubliés !!!! Allez je leur dédie la prochaine équipe !!!
  3. L’équipe des aquarellistes “classiques”. Mon dieu, que ce terme est péjoratif. Personne ne voudra en être !!! Pourtant ce sont eux les vrais premiers précurseurs. Ce sont les aquarellistes qui ont popularisé le médium avant les autres. Ils travaillent selon les canons techniques de l’aquarelle (couleurs claires en premier et succession de glacis), mais ils interprètent plus le sujet que les photoréalistes. Bref, vous avez tous vu ces aquarelles de paysages, de personnages ou d’animaux, qui jouent de la transparence pour créer une impression éthérée… Faire l’une de ces aquarelles, qui mérite marie Louise et cadre doré, peut s’avérer un tour de force, ne nous méprenons pas. Les meilleurs sont de grands techniciens, qui maîtrisent les glacis, les techniques du mouillé sur mouillé et sur sec, etc. Leur dessin appliqué, leur composition charmante et leur douceur font encore aujourd’hui leur force (rassurante ?) aux yeux du grand public.
  4. D’ailleurs, la success team des instagramers… est une branche de la team des aquarellistes “classiques”. Attendez, vous allez comprendre. Il s’agit plutôt de jeunes aquarellistes, dont la technique est celle de l’aquarelle classique et qui ne figurent que des sujets “instagramables”. Leur sujet préféré ? Une belle jeune femme répondant aux canons de beauté actuels (de magnifiques yeux en amande, une bouche charnue entrouverte) souvent en gros plan et entourée de grosses fleurs. Oui, je sais, je caricature à l’envie, c’est très très mal. Ne reproduisez pas ça à la maison, c’est dangereux.
  5. L’équipe des grands voyageurs, ce sont les carnettistes. Lesquels, dans la lignée des explorateurs, fixent leurs impressions de voyages ou de ballades en plein air grâce à un matériel pratique : un carnet, de l’aquarelle en pastille et le paysage ou les gens. On sent une proximité avec les artistes qui de tout temps ont utilisé le médium pour sa facilité et sa rapidité d’utilisation, pour faire des “études” avant de réaliser un tableau dans un médium considéré (soupir) comme plus “noble”. L’idée étant plutôt ici de se rapprocher de ses sensations pour pouvoir mieux les transmettre. Je leur voue une grande admiration car ils n’ont pas froid aux yeux ! Ils relèvent le défi de s’éloigner de leurs ateliers, ce qui nécessite de nombreuses qualités, dont de solides bases de dessin (perspective and co.).
  6. Quand j’ai pensé aux illustrateurs, je pensais à un style qui se rapproche de la Bande Dessinée. L’utilisation de l’aquarelle n’est pas tout à fait la même que pour l’équipe précédente. C’est l’équipe la plus écolo puisqu’elle utilise moins d’eau que toutes les autres. Pour caricaturer (encore), l’idée est souvent de colorer un personnage et ensuite de “l’encrer”. D’ailleurs, ces derniers utilisent tantôt l’aquarelle, tantôt l’encre liquide.

Concernant les personnes qui font de l’abstrait, je pense qu’elles peuvent se sentir à l’aise parmi l’une des teams précédentes, selon qu’elles utilisent plus ou moins d’eau, donc je m’arrête là.

Et je ne sais pas trop dans quelle équipe je mettrais les dessinateurs de tribunaux ou les botanistes…. J’aurais peut-être pu les rapprocher des grands voyageurs. Qu’en pensez-vous ?

Fight !

Dans quel pétrin me suis-je mise ? Comment est-ce que je peux écrire un tel chapitre qui s’intitule “au combat” ? Avec tant d’équipes en plus !!! Roh !

Est-ce que vous avez choisi un camp ? Sonnez la charge ! Est-ce que ça bouillonne toujours dans votre tête ? Est-ce que vous êtes la Suisse ?

Alors j’en rajoute. Ha ben si, on a dit qu’on s’amusait alors !

Jean-Louis Morelle m’a raconté qu’un journaliste l’avait situé dans la catégorie des “valoristes” (par opposition aux coloristes). Il en avait pris ombrage, lui qui a le premier théorisé la trichromie à l’aquarelle dans un livre ! Nan mais, … ! Puis il s’était apaisé peu après en réalisant que cela lui convenait bien, que l’attention portée aux valeurs représentait pour lui la meilleure manière de réaliser une belle oeuvre (je ne me souviens pas de ses mots exacts, ça fait longtemps, il a sans doute dû utiliser des mots beaucoup plus chics que les miens ;-)).

Ben oui, des fois, se faire mettre dans une case ça ne fait pas plaisir. Pourtant quand on y pense on penche un peu plus dans telle ou telle catégorie. C’est la guerre. Un partisan pourrait bien avoir envie de dire à un illustrateur : “halala, mais toi tu n’aime pas l’eau en fait” ! Un classique pourrait bien avoir envie de dire à un partisan “halala, mais qu’est-ce que c’est que ces coulures” ! Un voyageur pourrait dire à un instagramer : “dis donc, t’en as pas marre de t’inspirer d’image du net ?”… la violence !

Non, mais en vrai de vrai, sérieusement, on ne doit pas faire ça, parce qu’en art, il ne doit jamais y avoir de “winner”, on est d’accord avec ça ? Et qui est-on vraiment pour juger ?

La réconciliation !

Allez c’est fini la guerre, on pose les armes et on se fait des bisous ! Allez ! Fais bisous ! Ha c’est pas facile, hein ? Ben oui, quand on a passé tellement de temps à apprendre une technique, on a une petite tendance à trouver que celle d’à côté “vaut” moins de points. C’est l’heure d’être ouvert, c’est l’heure d’accepter que la technique n’est pas tout et que la sensibilité d’un artiste doit être protégée, aimée pour ce qu’elle est.

J’ajouterais, pour ne pas être (totalement) diplomate, qu’il y a aussi une question d’éducation artistique en général. Il y a une certaine difficulté à bouger les lignes, une inertie dans le monde de l’art. Si, vous savez de quoi je parle. Je parle par exemple de ces artistes qui se sont trouvés aux salons des “refusés” de l’académie des beaux arts puis qui sont devenus les “stars” de l’art dans le monde pour des décennies, les impressionnistes. Pourquoi ? Parce que c’est difficile d’aimer un style auquel on n’est pas habitué. C’est difficile pour un artiste en herbe de comprendre que ce tableau non figuratif ou avec une technique différente de celle qu’il admire, a une valeur artistique… Je ne blâme personne attention ! C’est difficile pour moi encore de voir la valeur artistique de certaines oeuvres contemporaines. Alors que d’autres la connaisse. Bon. Aujourd’hui, tout le monde peut être un critique d’art au débotté, surtout sur les réseaux sociaux. Qui a raison alors ? Je ne suis pas sûre. Mais pour ce qui est de ma sensibilité à moi, personnellement personnelle, lorsque je sens une connexion avec l’oeuvre qui m’est montrée, ou qu’elle me raconte quelque chose, l’artiste en face de moi a gagné 🙂

C’est la fin de l’article, c’est le moment où je vous (re)dis qu’il n’y a pas vraiment de camp, que ce serait une ineptie, que c’était juste pour rire et que chaque artiste, qu’il imprime sa marque pérenne ou non dans ce monde magique et cruel de l’art, suit son chemin, en suivant un ou plusieurs courants, voire en en créant un lui-même.

D’ordinaire, je déteste mettre les gens dans des cases, évidemment ici j’ai été biiiiiien trop “catégorisante”… houla… bien trop ! Mais j’aurais adoré lire cet article il y a 15 ans, alors je vous l’ai écrit. J’espère qu’il vous a plus et que vous avez aimé ma petite “battle” qui doit rester très “théorique”.

seconde conclusion 😉

Mes amitiés à tous les styles et tous les courants et bonne route les artistes !

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L'aquarelle est le défi favori de Felicia depuis 20 ans. Bien qu'elle ait essayé diverses techniques, elle aime l'eau et sa « douce complexité ». Sa première exposition remonte à 2011, elle réalise des peintures en direct. Puis elle se consacre à sa carrière numérique. Depuis peu, elle peint à nouveau des portraits, quand l'histoire la touche. Comme ses portraits montrant l'évolution de sa fille, avec une réflexion sur le passage à l'âge adulte. Les sans-abris photographiés dans le métro parisien sont aussi un fil conducteur dans ses productions. Elle prend beaucoup de plaisir à donner plusieurs cours depuis 2018, à l'atelier du Cléo (Poitou) et dans son milieu professionnel. Aussi, dès le confinement, cela lui a semblé génial que de combiner tout cela avec une chaîne YouTube comprenant des tutoriels pour tous les niveaux d'aquarelles et des portraits en time lapse. Sa pédagogie repose sur le lâcher prise, la confiance en soi, dans la proximité et la bonne humeur.