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Faire ou ne pas faire une étude avant une aquarelle ?

Temps de lecture : 5 minutes

D’abord qu’est ce que j’entend par une étude ? Et bien, ma foi, n’importe quelle sorte de dessin ou aquarelle préliminaire, c’est à dire réalisé avant le tableau en lui même. Le nom étude est très bien choisi, puisqu’il va bien s’agir d’étudier certains éléments de son futur tableau avant sa réalisation. Je vous précise tout ça plus bas. Et autant vous le dire tout de suite, je vais relever beaucoup plus de POUR que de CONTRE pour répondre à cette question.

On va faire ça en trois parties, je précise de quoi nous parlons, puis je vous dis ce que j’en pense en général et après je vous dis pourquoi et comment moi je fais mes études pour mes portraits à l’aquarelle. D’accord ?

Clarifions le propos

Une étude, c’est reculer pour mieux sauter. Un artiste chevronné qui souhaite ne pas “se viander”, qui prépare une belle pièce, demandant un travail important, comme un grand format, par exemple, aura envie de réaliser une étude. Une étude est souvent une pièce plus petite, en tout cas qui demande bien moins de travail que l’oeuvre finale. Elle est souvent au crayon gris ou dans un medium qui permet de travailler rapidement. Elle permet de vérifier avant de s’engouffrer dans plusieurs heures de travail si le futur tableau “aura de la gueule”.

On peut faire une ou plusieurs études pour un même tableau, il n’y a pas vraiment de règle. Je dirais qu’en général, il s’agit de s’assurer que le dessin est juste, que la perspective est correcte, et que la composition est bonne dans un même dessin en noir et blanc. Un artiste pourrait même avoir envie de faire une étude de valeurs uniquement, lorsque c’est son intérêt principal. S’il est Rembrandt (nan mais j’abuse là mais admettons) et qu’il se concentre sur le clair obscur, il fera une étude spécifiquement pour vérifier que sa lumière sera bien placée. Chez les grands maitres classiques (peintres à l’huile hein), on retrouve aussi beaucoup d’études à l’aquarelle, qui leur permettaient de vérifier l’agencements des couleurs et de mieux figurer le rendu final qu’un croquis. Ce qui au passage a fait beaucoup de tort au medium, considéré comme un sous medium depuis, un medium moins noble, dédié à l’étude, chniff.

Pour terminer la liste, ajoutons que d’autres enfin, mais il me semble que c’est moins fréquent, réalisent un tableau complet dans un petit format à peine moins travaillé que le second, en grand format. J’ai vu Eudes Correia le faire, par exemple.

NB : Je ne traite pas ici d’études qui ne sont pas “préliminaires” à une oeuvre, par exemple celles destinées à comprendre l’anatomie.

Les POUR

POUR Oui. Et pour qui ? D’abord pour les étudiants et les débutants de tout poil (expert dans un medium ou un style et pas dans un autre), qui, comme un jeune conducteur, ne saurait faire attention à tout en même temps, ou avec plus de difficulté que son aïeul. Autant s’ôter le plus de problème possible avant de se jeter à l’eau. Mettez vous un A aux fesses, sans complexe, faites des études ! Et donc encore plus pour l’aquarelle parce qu’on doit penser aussi à la réaction de l’eau, aux fusions, en même temps qu’à l’équilibre des valeurs de son futur tableau. Mon calcul ? Autant faire une étude des éléments statiques en amont pour s’accorder de la spontanéité par la suite, pendant le process.

POUR aussi pour tout artiste qui s’est déjà un peu laissé emporter par la passion et s’est déjà retrouvé confronté à un problème de perspective, de composition, de valeur, en contemplant le résultat… bref tout problème engendrant la désagréable impression que “mince, j’aurai pu faire mieux, j’aurai du y réfléchir avant”. Ha ben si les anciens, même les meilleurs et surtout les meilleurs, faisaient des études… il devait y avoir une bonne raison en fait ! Quel est votre petit point faible ? La composition ? Les valeurs ? Les couleurs ? Demandez à vos pairs (inscrivez vous sur un groupe de peinture de facebook par exemple et postez votre question illustrée de plusieurs de vos travaux) puis réalisez une étude ciblée sur votre “point faible” avant votre prochain tableau, vous m’en direz des nouvelles.

POUR être plus claire, POUR aussi pour “simplifier” votre dessin. Pour une composition efficace, c’est à dire un dessin qui raconte une histoire claire, on a souvent besoin de déplacer ou de retirer des éléments de sa photo de référence, ou du paysage que l’on a devant nous. On va également choisir le bon “cadre” pour traiter le sujet. Est ce que je dessine le verre sur un coin de la table, le verre et la table, tout le salon ? Est ce que je dessine juste l’oiseau sur le poteau, le poteau, tous les fils qui mènent au poteau ? Est-ce que je les suggère ? Une étude vous permet de faire le test. Dans la série couleurs, les questions seront : Est-ce que je change la couleur de tel ou tel élément pour qu’il se fonde dans le décor ou est-ce que je veux le mettre en avant. Même punition.

Les CONTRE

Il y a bien quelques contre, allez, la perte de spontanéité sera le premier évoqué. Mais bon, je dirai qu’une étude de valeurs ne fait pas perdre en fraicheur. Sachant qu’une petite étude de composition peut se résumer en quelques formes géométriques rapidement tracées dans le sable, hein, ça vous sauvera tout de même un tableau ça madame.

La flemme également, mais c’est plutôt un aveu / une blague qu’un contre.

Disons surtout les circonstances. Deux exemples dans lesquels vous perdrez peut être un temps précieux en réalisant une étude :

1. vous peignez sur le motif, vous risquez de voir changer la lumière avant d’avoir finit votre étude.

2. vous ne disposez que de quelques heures par semaine pour peindre et seriez frustré de ne pas avoir pu vous exprimer dans ce temps imparti, en plus, votre style s’y prête.

Ok, dispensé.

Pourquoi moi je fais une étude ?

Parce que je suis aquarelliste avant tout. Que ce medium pardonne à la fois tout et peu de chose. Vous marchez sur un fil, vous faites attention à avoir assez d’eau sur votre pinceau, assez d’eau sur votre papier, mais pas trop non plus. Vous faites attention au degré de séchage de chaque zone, aux auréoles en formation, à la qualité de la fusion des couleurs, à leur transparence… C’est une charge cognitive tout ça. C’est en tout cas assez pour que je n’ai pas envie de toujours m’obliger à prendre d’autres décisions en cours de route.

J’économise donc de la charge mentale, j’anticipe. J’ai déjà réfléchit pendant l’étude à l’ordre dans lequel je vais appliquer mes couleurs, par exemple. Je me suis aussi posée ces questions : quelles sont les zones que je veux laisser blanches, quelles sont les zones qui seront les plus foncées, qui vont ressortir quand on regarde le tableau de loin ?

Vous l’avez deviné, mon étude préférée est celles des valeurs. Parce qu’après la composition, c’est celle qui demande un minimum d’investissement pour un impact maximum. J’ajouterai qu’elle ne nécessite pas de connaissance poussée. Si vous n’en avez jamais fait, la recette de base consiste à repérer avant tout les valeurs très fortes, les valeurs intermédiaires et les valeurs faibles.

Si l’on traduit en un croquis avec 3 niveaux de gris, ça donnera un repérage des 1. noirs ou quasi noirs, 2. gris moyens, 3. gris clairs et 4. des blancs.

Et comme mon objectif est de travailler sur l’aquarelle comme une medium moderne, je recherche un maximum d’impact visuel. En renforçant les contrastes, je vais donner une “pêche” particulière aux tableaux réalisés avec ce medium. Je préfère donc jouer sur les valeurs que les couleurs. Par exemple, dans mes portraits, je décline une ou deux couleur dominantes, pas plus, et je me sers des valeurs pour renforcer la composition. La mode a pu être à l’utilisation de l’ensemble de la palette dans un seul portrait, ce n’est pas vraiment ce sur quoi je travaille en ce moment.

Ajoutons qu’une étude peut permettre aussi de s’exercer la main. En effet, lorsque vous vous êtes déjà concentré une fois sur un modèle, lorsque vous le refaite, le dessin revient plus naturellement. C’est comme si la main avait une mémoire (on parle de mémoire procédurale) et ce même si vous effectuez le dessin longtemps après. C’est du temps de gagné, pourquoi s’en priver ?

Comment moi je fais une étude.

Là c’est facile, vous avez la vidéo Youtube ci-dessous en guise de démonstration. J’y montre l’étude de valeurs que j’ai réalisé pour le tableau Galaxy Girl dont vous pouvez également voir la réalisation de l’aquarelle en elle même en vidéo ici.

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L'aquarelle est le défi favori de Felicia depuis 20 ans. Bien qu'elle ait essayé diverses techniques, elle aime l'eau et sa « douce complexité ». Sa première exposition remonte à 2011, elle réalise des peintures en direct. Puis elle se consacre à sa carrière numérique. Depuis peu, elle peint à nouveau des portraits, quand l'histoire la touche. Comme ses portraits montrant l'évolution de sa fille, avec une réflexion sur le passage à l'âge adulte. Les sans-abris photographiés dans le métro parisien sont aussi un fil conducteur dans ses productions. Elle prend beaucoup de plaisir à donner plusieurs cours depuis 2018, à l'atelier du Cléo (Poitou) et dans son milieu professionnel. Aussi, dès le confinement, cela lui a semblé génial que de combiner tout cela avec une chaîne YouTube comprenant des tutoriels pour tous les niveaux d'aquarelles et des portraits en time lapse. Sa pédagogie repose sur le lâcher prise, la confiance en soi, dans la proximité et la bonne humeur.

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